Si un jour on m’avait dit que je rencontrerai Dieu en personne grâce à un simple courriel… je ne l’aurais pas cru. Et pourtant, c’est bien ce qui vient de m’arriver, je viens de rencontrer Dieu.
En bientôt trois années d’existence, nous n’avons que très rarement parlé de nous, ou de nos convictions profondes. Ce site n’est pas le lieu pour cela. Après tout, nous parlons principalement de WordPress, de eCommerce, de eMarketing, de Référencement… pour ainsi dire. Rien qui ne se prête à un épanchement personnel.
Une fois n’est donc pas coutume, parlons d’une expérience personnelle que je viens de vivre, ma rencontre avec Dieu, Richard M. Stallman pour les intimes.
Je vois déjà d’ici le grand nombre de têtes incrédules à la lecture de ce nom. Mais qui est donc ce Dieu Richard M. Stallman dont je n’ai jamais entendu parler avant ? Le polythéisme frapperait-il de nouveau ? D’une certaine manière… oui.
Il était une fois une histoire…
Il était une fois un étudiant qui, après un énième plantage de son ordinateur, ne retrouvait pas de CD Windows XP pour le réinstaller, ce fameux ordinateur. Désespéré d’avoir un ordinateur connaissant uniquement la couleur bleue, notre étudiant se muni du CD d’installation de Mandrake 9.2 qui traînait sur son bureau. À croire que Saint IGNUcius avait frappé dans l’ombre en guidant l’achat d’un GNU/Linux Mag quelques semaines plus tôt, car ce jeune ne savait pas trop pourquoi il venait d’acheter ce magazine à ce moment là… échaudé de GNU/Linux suite à une tentative complètement ratée d’installation de la Redhat 7.1 quelques années plutôt.
Le CD d’installation passa du blister du CD au lecteur CD de l’ordinateur sans savoir que ce serait le début d’une grande aventure, l’Aventure GNU/Linux.
Mais le malin tenta de retenir dans ses griffes notre vaillant étudiant. Le diable se cache dans les détails. Celui-ci se matérialisa sous la forme d’une raie manta, le modem Alcatel Speedtouch USB qui refusait de fonctionner sous Mandrake. Pour combattre le malin il fallait… se connecter à Internet… sans modem. N’écoutant que son courage, notre preux étudiant réussi à trouver un ordinateur connecté à Internet et téléchargea ces fameux drivers sur une disquette 3.5 et imprima le tutoriel pour suivre la procédure. Le combat fut rude, mais l’étudiant sorti vainqueur de son combat avec la raie. L’Internet ouvrit grand ses portes à l’esprit Libre et Open Source, telle les portes du paradis s’ouvrant sur le jardin d’Éden.
De la technique à la politique
GNU/Linux étant un monde à part, la découverte de celui-ci prit de nombreuses années durant lesquelles j’entendis souvent parler d’un certain Linus Torvald et plus vaguement de Richard Stallman, sorte d’entité supérieure bienveillante, créateur de la licence qui nous libérait tous, sans savoir qui c’était réellement. Après une découverte de ce nouveau monde qui dura deux années, l’aventure me guida de Mandrake à Gentoo… Pour ceux qui ne connaîtraient pas, c’est un peu comme apprendre à conduire sur un vélo à trois roues et de passer directement à la moto grosse cylindrée. Durant près de 5 ans, la découverte de GNU/Linux se suffisant à elle-même, je ne pris pas le temps de m’occuper d’un quelconque culte de la personnalité, concentré sur la communauté francophone. Pourtant, le nom de Richard Stallman revenait régulièrement dans la bouche de certains, dans les news sur le web, dans les magazines… Progressivement, j’ai intégré ce personnage comme étant celui qui était le père de tout l’écosystème GNU/Linux, et celui qui se chargeait de la direction que devait prendre le logiciel libre, tel une sorte de grand Architecte. Bien que cette image de Richard Stallman ne soit pas tout à fait juste, ce fut celle qui m’accompagna durant des années.
Depuis 2005, je m’intéresse aux brevets logiciels et c’est là que je découvris le combat de Stallman. Pourtant, je n’en garda pas un bon souvenir car ce fut aussi l’époque de la GPLv3, qui avait (il me semble, il faut vérifier) créée de très vifs débats au sein même de la communauté. Stallman ne passait pas à ce moment là pour une personne ouverte d’esprit, à mes yeux. Il semblait que son combat ne pouvant souffrir d’exception ou de nuance. Cela renforça d’une certaine manière ma vision de Stallman en divinité acariâtre et autoritaire. Peut-on négocier avec Dieu ?
La suite de l’histoire se passe il y a… quelques semaines seulement. Après quelques débats sur le libre, je me suis rendu compte d’un manque de connaissance pâtant. J’ai donc acheté le livre Richard Stallman et la révolution du logiciel libre (une biographe autorisée). La lecture de ce livre fût presque de l’ordre la révélation pour moi. J’ai appris que Richard Stallman était un pur génie, capable de développer des programmes comme emacs, toujours utilisé des décennies plus tard. Bien que replié sur lui-même, Stallman n’en reste pas moins un passionné qui mena des combats quasi épiques. J’ai aussi découvert un homme qui refusait certes de transiger, mais pour notre liberté.
Le génie de Stallman va bien au-delà de la capacité à s’enfermer pendant des mois pour créer des programmes informatiques ou pour lutter contre la prise de contrôle de certaines entreprises sur le logiciel en répliquant par la création d’équivalent libre. Ce qui rend Richard Stallman génial, dans le sens de génie, a été sa capacité à retourner un système contre lui-même, celui des droits d’auteur. Plutôt que de chercher à lutter contre les droits d’auteur, Richard Stallman eu la brillante idée de les utiliser dans sa lutte. Ce fût la naissance de la première licence libre, la GNU/GPL.
Depuis, l’informatique est devenue un vecteur de combat pour Richard Stallman, le combat pour nos libertés.
C’est à peu près à ce moment là que nous pouvons considérer que la révélation eut lieu. Le logiciel libre est un acte de militantisme politique avant d’être une manière de développer, en communauté. L’Open Source n’est qu’une branche du Logiciel Libre, alors que cela faisait plus de 10 ans que je pensais que tout le concept de la GNU/GPL était présent dans le mouvement Open Source. Cela apporte une grande différence dans la manière de voir l’informatique.
L’un y verra un vecteur de liberté, l’autre un vecteur de performance et de sécurité lié au groupe. Ces visions ne sont pas antagonistes, mais suffisamment différentes pour ne pas véhiculer le même message.
Bien que Richard Stallman ait poursuivi le développement de certains logiciels, son combat s’est encré dans la défense du Logiciel Libre contre le logiciel privateur. Il est même arrivé qu’une partie de son combat se concentre sur le logiciel Open Source lui valant l’ire de certaines personnes dans la communauté, contribuant largement à le voir comme cette fameuse personne acariâtre que je pensais qu’il était. Voici le type de message que Richard Stallman a adressé à la communauté Open Source, on appréciera le style direct : Pourquoi l’Open Source passe à coté du problème que soulève le Logiciel Libre ?.
Une Rencontre
Ma première rencontre avec Richard Stallman fût à la lecture de sa biographie. Ce livre qui est une brillante initiative de Framabook, association pour le livre libre, il fallait le préciser. En effet, cette biographie est en fait le seconde version de ce livre. Édité sous licence libre, ce livre a été repris par Richard Stallman qui y apporte un grand nombre de précisions sur les propos tenus par l’écrivain d’origine, Sam Williams. Au lieu d’apporter de la lourdeur au texte, cela le rend vivant. Nous avons presque l’impression de lire ce livre avec Richard Stallman à nos côtés, c’est étonnant.
La proximité qu’a créé la lecture de ce livre avec Richard Stallman m’a donne l’envie de rentrer en contact par email avec lui afin de connaître son point de vue sur certains sujets. Je ne pensais pas avoir de réponse. Après tout, Richard Stallman est toujours en voyage à faire des conférences dans le monde entier, président de la FSF qu’il est. Il doit certainement avoir d’autres choses à faire que d’échanger avec le premier venu.
Et pourtant, j’ai eu une réponse en moins de 12 heures. En fait, j’ai eu le droit à trois réponses, dont la dernière me disait qu’il ne faudrait pas faire la promotion d’un logiciel privateur comme Skype en donnant son adresse dans sa signature de mail. Le ton est donné, Richard Stallman est accessible, mais il va falloir être sans faille. Certains y aurait peut-être vu une sorte de remontrance, j’y ai vu une sorte de message éducatif.
Très rapidement, Richard Stallman m’annonce qu’il passera, dans une dizaine de jours, à 35 kilomètres de chez moi, pour y donner une suite de conférences. Le moment semblait parfait pour le rencontrer. Je pourrai donc le rencontrer à ce moment là et prendre un moment après pour échanger avec lui. Mais en fait, le moment semblait tellement parfait… que nous l’avons invité à venir manger chez nous. Après tout, un peu de toupet n’a jamais tué personne et la lecture de son livre nous montrait par certains aspects qu’il était proche des militants de base.
Ce qui devait arriver, arriva. Richard Stallman accepta notre invitation, alors qu’il ne nous connaissait pour ainsi pas du tout. Je ne sais pas ce qui l’a fait nous dire oui, mais j’y vois la volonté d’échanger autour d’un thème qu’était celui des brevets logiciels en toute humilité. Nous nous rencontrerons donc autour d’un repas, à la suite de son intervention après la projection du documentaire Pirates du vivant, réalisé par Marie-Monique Robin, où la question des brevets y est vue sous le prisme de l’agriculture, mais qui est en tout point similaire à ce qui se fait dans le domaine du logiciel, aussi étonnant que cela puisse sembler de prime abord.
Une Personnalité
Je n’avais jamais rencontré en chair et en os Stallman, mais certaines vidéos sur youtube nous laissaient entrevoir un personnage à la verve acérée, n’hésitant pas à remettre en place des personnes comme le directeur de l’école des mines de Paris, lorsqu’il aborde le sujet de la propriété intellectuelle, qui est en fait une tromperie intellectuelle. Stallman n’hésite pas à lui couper la parole afin de lui faire remarquer que la propriété intellectuelle recouvre des choses que sont les brevets logiciels et le droit d’auteur. Ces deux idées n’étant pas du tout les mêmes, les assembler est donc impossible et participe à nous laisser dans un flou intellectuel.Vous pouvez retrouver cette vidéo à la qualité vraiment pourrie ici, à croire que l’école des mines de Paris n’avait jamais utilisé une caméra de sa vie.
Il semble impossible à Richard Stallman de laisser passer une erreur de vocabulaire. Même si la forme peut être contestable, il est essentiel de faire attention à l’emploi des mots que nous choisissons, car que nous le voulions ou non, nous sommes bien dans une guerre de communication. La forme 2.0 de la croisade où l’appauvrissement du vocabulaire contribue à l’invasion de contrées intellectuelles par le logiciel privateur.
Alors oui, je le concède, se faire remettre en place par Stallman en public est à la limite du désagréable si on le prend pour soi. Mais la démarche de Stallman s’apparenterait plus à celle d’un correcteur d’idées en temps réel que d’une volonté quelconque de vous mettre mal à l’aise. Tout n’est qu’une question d’égo. Pour ceux qui penserait que je parle sans connaitre, je me suis fait remettre à ma place par Stallman, devant une salle pleine à craquer de spectateurs, ayant abordé un point sur lequel nous n’avons aucune manière d’agir aujourd’hui et Stallman n’a pas hésité à me le faire remarquer. Alors oui, ca met mal à l’aise, mais au moins ca fait réfléchir. N’est-ce pas le but de l’échange ?
À la suite de cette projection, j’ai eu le plaisir de partager un moment privilégié avec Richard. Ce moment a été un moment d’échange très étonnant car la conversation avait lieu comme si cela était naturel de se parler, d’échanger, de lui poser des questions. Je n’ai pas vu l’ombre d’un homme à l’égo sur dimensionné, mais une personne simple, ayant sa propre personnalité. Beau pléonasme que sa propre personnalité car sans vouloir faire de la philosophie de comptoir, la personnalité n’est pas justement ce qui nous caractérise, nous différencie d’un individu à l’autre ? Stallman ne serait donc qu’un Homme ?
L’art de la question et de la réponse
Lorsque l’on rencontre Richard Stallman, que ce soit en privé ou en public, on se rend très rapidement compte que la manière de poser une question est un acte fondamental pour Richard Stallman, si votre question n’est pas bien formulée, comment y répondre convenablement ? Au fond, cela n’est qu’une question de justesse.
Un petit détail, vous ais-je dit que Richard Stallman était Américain et qu’il s’exprimait dans un Français des plus corrects ? Cela la fou mal de se faire reprendre par quelqu’un ne parlant même pas notre langue au quotidien.
Les réponses de Richard Stallman sont elles aussi surprenantes. Surprenantes car l’argumentaire est souvent bref et ciblé sur un détail auquel vous n’aviez pas forcément pensé. Et ce fut le cas pour moi à de maintes reprises m’obligeant à revoir mes questions.
Le cas de la discussion autour d’Amazon est intéressant. Si vous ne le savez pas encore, le concept d’achat en un clic est un concept qu’Amazon.com a tenté de faire breveter. Cette Fonctionnalité est issue de la recherche d’Amazon, on serait en droit de se dire qu’ils en ont la primeur. Et pourtant Richard Stallman nous explique que le brevet ne changera rien au fait qu’Amazon augmente ses ventes ou non, si cette fonctionnalité représente une amélioration pour ses ventes, alors ils la mettrons en place, brevet ou pas. Le brevet aura uniquement pour effet de nous interdire de réutiliser cette fonctionnalité pour notre site, ce qui n’aura aucun impact sur les ventes sur le site d’Amazon.
Nous avons bien entendu eu le temps d’échanger sur d’autres sujets, du brevet logiciel à WordPress. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors d’un prochain article, ne recherchant pas ici à parler de l’échange en lui-même, mais plutôt de la personne et en profiter pour le faire découvrir à ceux qui ne le connaîtrait pas encore.
Si vous souhaitez aller plus loin dans votre connaissance du combat que Richard Stallman mène avec la FSF, voici une liste d’articles à lire :
- http://www.gnu.org/gnu/linux-and-gnu.html
- http://www.gnu.org/gnu/gnu-linux-faq.html
- http://www.gnu.org/gnu/the-gnu-project.html
- http://www.gnu.org/philosophy/not-ipr.html
- http://www.gnu.org/philosophy/open-source-misses-the-point.html
- http://www.gnu.org/philosophy/trivial-patent.html
- http://www.gnu.org/philosophy/europes-unitary-patent.html
eh..quoi dire? je pensais que vous parliez vraiment d’un raie manta, pas d’un gnou..mdr;
je trouve votre brossage du portrait robot de cette personne est assez….original.
Bonne continuation.